Rénovation des bâtiments : comment le numérique révolutionne les métiers de la construction
Relevé, numérisation, scan 3D, modélisation : la révolution numérique est en marche sur les chantiers de rénovation. A la clé, de nouveaux outils et de nouvelles méthodes qui modifient en profondeur les pratiques des métiers. Les premières applications laissent entrevoir l’étendue du changement qui se profile.
Travailler en mode numérique ? Pour les entreprises du bâtiment, cela devient une évidence. De plus en plus, un conducteur de travaux sur un chantier ne se déplace pas sans sa tablette. Et derrière l’écran où il consulte les plans d’exécution, le descriptif d’un bâtiment ou les fiches des fournisseurs de matériels, des logiciels très performants sont à l’œuvre. Les entreprises en témoignent : faire le choix du numérique, c’est progresser dans l’exercice même de leur métier. Modéliser en 3D une charpente ou des réseaux de fluides offre de multiples avantages : rassurer le client, supprimer les malentendus en produisant une image toujours plus proche de la réalité, intégrer dans les plans numériques les informations qui faciliteront sa mise en œuvre. Un projet classique de construction ou de rénovation est en moyenne redessiné sept fois durant sa réalisation. Certaines estimations chiffrent à 20 % le surcoût induit par ces ajustements. Le numérique permet de gommer ces aléas en anticipant plus justement les projets et en recoupant plus finement les données disponibles.
« Historiquement, on a associé le numérique au graphisme et à la 3D, mais aujourd’hui, le partage des données d’informations prend de plus en plus d’importance », souligne Jean-Philippe Hauss, président de Sediscan. Cette société spécialisée dans le relevé et la maquette numérique met le scan 3D au service de la construction. Une technique qui permet de mieux appréhender les différents détails et la jonction entre les métiers.
« Les processus de gestion et d’interaction gagnent en fluidité »
« Nous travaillons en particulier sur les fluides et la charpente. Modéliser un projet en 3D, c’est avoir un rendu proche de la réalité puis effectuer les ajustements en intégrant tous les paramètres du projet. Le couvreur peut ainsi visualiser, par exemple, les liaisons avec les détails de la charpente et de l’étanchéité. En gros œuvre, le positionnement de poteaux-poutres est facilité ainsi que l’articulation entre le planning de préfabrication et le planning de pose. Une fois la 3D validée, nous entrons toutes les informations dans la maquette numérique : les composants de l’ouvrage, les détails de conception avec un quantitatif très précis des matériaux. Tout est bien préparé en amont, les risques d’erreur sont quasi nuls et chacun peut se projeter dans les réalisations futures. Notre atout premier, c’est de travailler sur un outil et des documents communs à toutes les parties prenantes du chantier. Les processus de gestion et d’interaction gagnent en fluidité et en temps. » Pour Dimitri Seclier, directeur de Sediscan, la dimension représentative de la modélisation 3D est essentielle. « Nous travaillons dans les univers Revit et Trimble Connect qui sont des outils collaboratifs. La maquette numérique peut ainsi aisément être mise à jour via l’importation du nuage de points dans la maquette existante afin de détecter les différences – les clash – entre les deux représentations du bâtiment puis d’apporter les modifications nécessaires suivant l’empreinte du nuage de points. »
« Les exemples de mauvaises pratiques abondent »
Créée par la start-up alsacienne French Bat, la plateforme de rénovation énergétique Green Rénovation éclaire ces nouvelles façons de travailler avec des services et des solutions spécifiques. « Nous sommes partis d’un constat, rappelle Jean-Louis Ehrhard, fondateur de French Bat. Les exemples de mauvaises pratiques en matière de rénovation énergétique abondent. Trois programmes de rénovation sur quatre sont inefficaces Notre projet est donc d’accompagner la montée en compétences des professionnels. Nous prenons appui sur les retours d’expériences des 50 chantiers pionniers puis des 500 maisons « Je rénove BBC », des programmes exemplaires qui font référence. Green Rénovation permet d’accéder à de multiples informations : les solutions proposées par les professionnels, les coûts des travaux et les économies réalisées, les financements disponibles, les outils spécifiques pour obtenir une enveloppe thermique performante et certifiée. Nous pouvons aller jusqu’à la personnalisation de la solution avec accompagnement et coaching en ligne via la plateforme en intégrant des points de vigilance, les systèmes de ventilation, le chauffage, les fenêtres. L’objectif est de jouer sur tous les curseurs pour atteindre un haut niveau d’efficacité énergétique et de rentabiliser l’investissement du porteur de projet. » La plateforme Green Rénovation est en phase de finalisation. Connectée aux programmes de massification Energiesprong ainsi qu’à la plateforme du Grand Est Oktave, elle devrait rapidement monter en puissance.
« Une empreinte 3D représentative du réel au centimètre près »
Autre start-up en vue dans le secteur du numérique appliqué au bâtiment : Bimeo. Basée à Rennes, elle propose toute une palette de services digitaux autour de deux produits phares : la plateforme collaborative Open BIM et le scan 3D ARtoBuild. « Nous intervenons dans les phases d’avant-projet avec toute une chaîne de prestations, entre métrés, plans 2D, 3D, BIM, expertise, diagnostic et outils collaboratifs, précise Eric Lerognon, créateur de Bimeo. Notre valeur ajoutée, ce sont des capteurs 3D qui génèrent automatiquement des plans en format IFC dans un process collaboratif. Le modèle économique repose sur un abonnement annuel offrant un usage illimité du scan. Nous nous inscrivons dans un programme Profeel qui nous met en relation avec d’autres expertises comme WiseBIM et LevelS3D. Ces synergies nous permettent de développer de nouvelles fonctions. » Bimeo mise aussi beaucoup sur son outil ARtoBuild qui révolutionne les processus de relevé 3D des bâtiments. « Nous travaillons avec un degré de précision extrême. Le relevé génère une empreinte 3D représentative du réel au centimètre près. Cette photographie de l’existant est indispensable dans le cadre d’un projet de réhabilitation. La précision des données relevées permet souvent d’éviter de revenir sur site pour chercher une information manquante, comme une dimension par exemple. » Pour les professionnels de la rénovation, la méthodologie du scanner 3D présente de nombreux avantages : relevé précis des ouvrages, rapidité d’acquisition et fiabilité des données, visualisation de l’état d’un bâtiment sous toutes ses formes.
« Le scan d’une maison type de 120 m2 est réalisé en moins d’une heure »
Cette technologie du nuage de points, la société LevelS3D – éditrice de logiciels et spécialiste de la numérisation – en a fait son métier avec des solutions innovantes comme S3D Cloud et surtout S3D Capture. « Ce scan intuitif filme l’environnement de manière totalement exhaustive, décrit Yannick Folliard, directeur de la société. Il est également possible d’intégrer des annotations en réalité augmentée – textes, photos, vidéos – dans le nuage de points. Le process est rapide : le scan d’une maison type de 120 mètres carrés est réalisé en moins d’une heure, à condition de bien préparer le parcours de scan. Pas besoin non plus d’un ordinateur surpuissant : S3D Capture fonctionne dans n’importe quel navigateur Web via l’application dédiée qu’il suffit d’installer. Tout comme il n’est pas nécessaire d’être un spécialiste des logiciels BIM pour utiliser un viewer de maquette numérique. S3D Capture est un outil aussi simple qu’une application pour smartphone. » Et Yannick Folliard d’évoquer les multiples chantiers de référence, où sa solution est pleinement exploitée pour la modélisation 3D des bâtiments : Gare de Lyon à Paris, usine Michelin en Espagne, Hôtel Dieu à Troyes ou encore la salle de conférences de la Mutualité à Paris. Preuve aussi de sa performance et de son caractère innovant, S3D Capture est sorti lauréat de différents concours : Prix de la Transition Numérique du Bâtiment, concours « Numériser l’existant, Programme Profeel », concours de la Région Grand Est « 10 000 start-up pour changer le monde », catégorie « données et intelligence artificielle ». Les solutions de haut niveau existent. Il reste aux entreprises à s’approprier les outils qui sont à leur disposition dans leur métier. Au fond, le numérique est moins une question de technique que d’état d’esprit.